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Page:Verne - Claudius Bombarnac.djvu/75

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donc sur la plate-forme antérieure du wagon, afin de jeter un dernier coup d’œil à la campagne environnante. Une heure de cigare me permettra d’atteindre la gare de Kizil-Arwat, où le train doit stationner pendant un certain temps.

En allant du second au premier wagon, je me croise avec le major Noltitz. Je me range par déférence. Il me salue avec cette grâce qui distingue les Russes de condition. Je lui rends son salut. C’est à cet échange de politesses que se borne notre rencontre, mais le premier pas est fait.

Popof n’est point en ce moment au fond de sa logette. La porte du fourgon de bagages étant ouverte, j’en conclus que notre chef de train est allé parler au mécanicien. À gauche du fourgon, la mystérieuse caisse est à sa place. Comme il n’est que six heures et demie, il fait trop jour encore pour que je me hasarde à satisfaire ma curiosité.

Le train file en plein désert. C’est le Kara-Koum, « le désert noir ». Il s’étend au-dessus de Khiva sur toute la partie du Turkestan comprise entre la frontière persane et le cours de l’Amou-Daria. En réalité, les sables du Kara-Koum ne sont pas plus noirs que la mer Noire n’est noire, que la mer Blanche n’est blanche, que la mer Rouge n’est rouge, que le fleuve Jaune n’est jaune. Mais j’adore ces dénominations colorées, si erronées qu’elles soient. Dans les paysages, il faut saisir l’œil par les couleurs. Est-ce que la géographie n’est pas du paysage ?

Il paraît que ce désert était autrefois occupé par un vaste bassin central. Il s’est desséché comme se desséchera la Caspienne, et cette évaporation s’explique par l’énergique concentration des rayons solaires à la surface des territoires qui se développent entre la mer d’Aral et le plateau de Pamir.

Le Kara-Koum est formé de dunes sablonneuses, singulièrement mobiles, que les grands vents menacent de déplacer sans cesse. Les « barkanes », — ainsi les nomment les Russes, — varient en hauteur de dix à trente mètres. Elles offrent une large prise aux terribles