Aller au contenu

Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la marée commençât à redescendre, une fraîche brise, soufflant de l’est, permettait de la refouler aisément, avec la grand’voile, la flèche et des focs que fit hisser Pierre Harcher, patron du Champlain. Ainsi se nommait le cotre de pêche.

Le climat du Canada, moins tempéré que celui des États-Unis, est très chaud l’été, très froid l’hiver, quoique son territoire soit en même latitude que la France. Cela tient probablement à ce que les eaux tièdes du Gulf-Stream, détournées de son littoral, ne modèrent pas les excès de sa température.

Pendant cette première quinzaine du mois de septembre, la chaleur avait été forte, et les voiles du Champlain se gonflaient d’une brise ardente.

« La journée sera rude aujourd’hui, dit Pierre, surtout si le vent tombe à la méridienne !

— Oui, répondit Michel, et que le diable fricasse les moucherons et les moustiques noirs ! Il y en a par myriades sur cette grève de Sainte-Anne !

— Frères, ces chaleurs vont finir, et nous jouirons bientôt des douceurs de l’été indien ! »

C’était Jean qui venait de donner à ses compagnons cette appellation fraternelle dont ils étaient dignes. Et il avait raison de vanter les beautés de l’« indian summer » du Canada, qui comprend plus particulièrement les mois de septembre et d’octobre.

« Pêchons-nous ce matin ? lui demanda Pierre Harcher, ou continuons-nous à remonter le fleuve ?

— Jetons nos lignes jusqu’à dix heures, répondit Jean. Nous irons ensuite vendre notre poisson à Matane.

— Alors poussons une bordée vers la pointe de Monts, répliqua le patron du Champlain. Les eaux y sont meilleures, et nous reviendrons sur Matane à l’étale de la mer. »

Les écoutes furent raidies, l’embarcation lofa, et, bien appuyée par la brise, tandis que le courant la prenait en dessous, elle se dirigea obliquement vers la pointe de Monts, située sur la rive septentrionale