Aller au contenu

Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne nous a pas coûté cher. Seulement, ils ont eu quelque peine à transporter la cargaison jusqu’au fort Ontario, où nous en avons pris livraison. Maintenant, plus de difficultés !

— Et les munitions ?…

— Trois tonneaux de poudre, et quelques milliers de balles. Si chacune tue son homme, il n’y aura bientôt plus un seul habit-rouge en Canada. Ils seront donc mangés par les mangeux de « guernouilles », comme on nous appelle entre Anglo-Saxons !

— Tu sais maintenant, demanda Jean, à quelles paroisses sont destinées les munitions et les armes ?

— Parfaitement, répondit le marinier. Et, ne craignez rien ! Pas de danger d’être surpris ! Pendant la nuit, au plus bas de la marée, je mouillera ma cage, et des canots viendront de la rive qu’rir chacun leur part. Seulement, je ne descends pas plus bas que Québec, où je dois charger mes bois à bord du Moravian, à destination de Hambourg.

— C’est entendu, répondit Jean. Avant Québec, tu auras livré tes derniers fusils et ton dernier tonneau de poudre.

— Ça ira bien alors.

— Dis-moi, Louis Lacasse, tu es sûr des hommes qui sont embarqués avec toi ?

— Comme de moi-même ! Des vrais Jean-Baptiste[1], et quand il s’agira de faire le coup de feu, je ne crois pas qu’ils restent en èrrière ! »

Louis Lacasse disait « èrrière », probablement parce qu’on dit « derrière » et non « darrière. »

Jean lui remit alors une certaine quantité de piastres, que le brave marinier fit tomber, sans compter, dans la poche de sa large vareuse. Puis, de vigoureuses poignées de main furent échangées avec l’équipage du cotre.

  1. Nom qui est souvent donné aux Franco-Canadiens des campagnes.