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Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/175

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ment de l’autre, que rien n’avait jamais démentis depuis tant d’années. Et combien, surtout, ils se sentaient liés par la communauté de leur patriotisme ! Le fermier, comme son maître, était dévoué corps et âme à la cause nationale.

Maintenant la famille se trouvait au complet. Depuis trois jours, Pierre et ses frères, après avoir laissé le Champlain désarmé au quai de Laprairie, étaient venus prendre leurs quartiers d’hiver à la ferme. Il n’y manquait que le fils adoptif, et non le moins aimé des hôtes de Chipogan.

Mais, dans la journée, on attendait Jean. Pour que Jean fît défaut à cette fête de famille, il aurait fallu qu’il fût tombé entre les mains des agents de Rip, et la nouvelle de son arrestation serait déjà répandue dans le pays.

C’est que Jean avait à s’acquitter d’un devoir, auquel il tenait autant que Thomas Harcher.

Le temps n’était pas éloigné où le seigneur de la paroisse acceptait d’être le parrain de tous les enfants de ses censitaires — ce qui se chiffrait par quelques centaines de pupilles. M. de Vaudreuil, il est vrai, n’en comptait encore que deux dans la descendance de son fermier. Cette fois, c’était Clary qui devait être marraine de son vingt-sixième enfant, auquel Jean allait servir de parrain. Et la jeune fille était heureuse de ce lien qui les unirait l’un à l’autre pendant ces courts instants.

Du reste, ce n’était pas à propos d’un baptême seulement que la ferme de Chipogan allait se mettre en fête. Lorsque Thomas Harcher avait reçu ses cinq fils :

« Mes gars, leur avait-il dit, soyez les bienvenus, car vous arrivez au bon moment.

— Comme toujours, notre père ! avait répondu Jacques.

— Non, mieux que toujours. Si, aujourd’hui, nous sommes réunis pour le baptême du dernier bébé, demain, il y a la première communion de Clément et de Cécile, et, après-demain, la noce de votre sœur Rose avec Bernard Miquelon.