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Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/295

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— Ce n’est pas pour toi que je crains, Jean. Mais, en allant à Montréal, tu peux être épié, et, si l’on soupçonne que M. de Vaudreuil est ici, il est perdu.

— Perdu ! murmura Clary.

— Et ne l’est-il pas plus sûrement encore si les soins lui manquent ! répondit Jean.

— Si sa blessure est mortelle, dit Bridget, personne ne peut la guérir. Si elle ne l’est pas, Dieu fera que sa fille et moi, nous le sauverons. Cette blessure provient d’un coup de sabre qui n’a fait que déchirer les chairs. M. de Vaudreuil est surtout affaibli par la perte de son sang. Il suffira, je l’espère, de panser sa plaie, d’y maintenir des compresses d’eau froide, pour amener une cicatrisation que nous obtiendrons peu à peu. Crois-moi, mon fils, M. de Vaudreuil est relativement en sûreté ici, et, tant qu’on pourra l’éviter, il est nécessaire que personne ne connaisse le lieu de sa retraite ! »

Bridget parlait avec une assurance qui eut pour premier effet de rendre à Clary un peu d’espoir. Ce qu’il fallait avant tout, c’était que personne ne fût introduit dans Maison-Close. La vie de Jean-Sans-Nom en dépendait, et plus encore la vie de M. de Vaudreuil. En effet, à la moindre alerte, si Jean pouvait s’enfuir, se jeter à travers les forêts du comté, gagner la frontière américaine, c’était interdit à M. de Vaudreuil.

Au reste, dès ce premier jour, l’état du blessé allait justifier la confiance qu’il avait inspirée à Bridget. Depuis que l’hémorragie avait été arrêtée, M. de Vaudreuil était, sinon plus faible, du moins en possession de toute sa connaissance. Ce dont il avait besoin d’abord, c’était de calme moral, et il l’aurait maintenant que sa fille se trouvait près de lui ; c’était de repos, et il semblait qu’il lui fût assuré à Maison-Close.

En effet, les soldats de Witherall ne devaient pas tarder à quitter Saint-Charles pour parcourir le comté, et la bourgade serait délivrée de leur présence.

Bridget prit donc certaines dispositions, afin d’installer plus commo-