Aller au contenu

Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donna point sa pipe, dont la fumée emplissait sa chambre, médiocrement éclairée par une seule lampe.

« Vous êtes prêtre ? demanda-t-il à l’abbé Joann, qui se tenait debout à quelques pas de lui.

— Oui, monsieur le major.

— Vous venez pour assister le condamné ?…

— Si vous le permettez.

— D’où arrivez-vous ?

— Du comté de Laprairie.

— C’est là que vous avez connu son arrestation ?…

— C’est là.

— Et aussi sa condamnation ?…

— Je viens de l’apprendre en arrivant au fort Frontenac, et j’ai pensé que le major Sinclair ne me refuserait pas une entrevue avec le prisonnier.

— Soit ! Je vous ferai prévenir, lorsqu’il en sera temps, répondit le commandant.

— Il n’est jamais trop tôt, reprit l’abbé Joann, lorsqu’un homme est condamné à mourir…

— Je vous ai dit que je vous ferai prévenir. Allez attendre au village de Frontenac, où l’un de mes soldats ira vous chercher…

— Pardonnez-moi d’insister, monsieur le major, reprit l’abbé Joann. Il serait possible que je fusse absent au moment où le condamné aurait besoin de mon ministère. Veuillez donc me permettre de le voir sur l’heure…

— Je vous répète que je vous ferai prévenir, répondit le commandant. Il m’est interdit de laisser communiquer le prisonnier avec qui que ce soit avant l’heure de l’exécution. J’attends l’ordre de Québec, et, lorsque cet ordre arrivera, le condamné aura encore deux heures devant lui. Que diable ! ces deux heures vous suffiront, et vous pourrez les employer comme il vous conviendra pour le salut de son âme. Le sergent va vous reconduire à la poterne ! »