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Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/112

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Enfin, ne nous appesantissons pas sur ces choses, et reprenons notre chemin.

Depuis la veille au soir, le temps était chaud, orageux, mat, avec de petits morceaux de bleu entre les nuages, mais, comme on dit, à peine ce qu’il en aurait fallu pour la culotte d’un gendarme. Ce jour-là, je poussai mes chevaux, car il importait d’arriver avant la nuit à Bernsbourg — une étape d’une douzaine de lieues. Ce n’était pas impossible, à la condition, pourtant, que le ciel ne vînt pas à se gâter, et surtout qu’il ne se présentât aucun obstacle.

Or, précisément, il y avait l’Elbe qui nous barrait la route, et je craignais d’être arrêté là plus qu’il ne convenait.

Partis de Zerbst à six heures du matin, nous étions arrivés, deux heures après, sur la rive droite de l’Elbe, un assez beau fleuve, large déjà, encaissé dans de hautes rives, hérissées de milliers et de milliers de roseaux.

Heureusement, la chance nous favorisa. Le bac à voitures et à voyageurs se trouvait sur la rive droite, et, comme M. de Lauranay n’épargna ni les florins, ni les kreutzers, le passeur ne nous fit point trop attendre. En un quart d’heure, la berline et les chevaux furent embarqués.

La traversée s’effectua sans accident. S’il en était ainsi des autres cours d’eau, il ne faudrait pas se plaindre.

Nous étions alors à la petite ville d’Acken, que la berline traversa sans s’y arrêter pour prendre la direction de Bernsbourg.

Je marchais de mon mieux. On s’en doute bien, les routes n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Des rubans à peine tracés sur un sol inégal, plutôt faits par la roue des voitures que par la main des hommes. Pendant la saison des pluies, elles devaient être impraticables, et, même en été, elles laissaient à désirer. Mais il ne fallait pas être un saint difficile.

On alla toute la matinée sans encombres. Cependant, vers midi, — heureusement pendant notre halte — nous fûmes dépassés par un régiment de pandours en marche. C’était la première fois que je