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Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/133

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— Je le voudrais, mon bon Natalis, me répondit-elle, que cela me serait impossible !… Demain matin, avant de partir, j’essaierai de prendre quelque nourriture…

— Ce sera toujours un repas de moins ! répliquai-je.

— Sans doute, mais ne craignez rien. Je ne vous retarderai pas en route ! »

Je ne pus rien obtenir, malgré mes vives instances, même lorsque je prêchai d’exemple en dévorant. J’étais résolu à me donner des forces pour quatre, comme si je me fusse attendu, le lendemain, à quadruple besogne.

À quelques pas de la hutte courait une eau limpide, qui se perdait au fond d’un étroit ravin. Quelques gouttes de cette eau, mélangée de shnaps, dont j’avais une gourde pleine, cela pouvait suffire à faire une boisson réconfortante.

Mlle Marthe consentit à boire deux ou trois gorgées. M. de Lauranay et ma sœur l’imitèrent. Ils s’en trouvèrent bien.

Puis, tous trois allèrent s’étendre dans la hutte, où ils ne tardèrent pas à s’endormir.

J’avais promis de venir prendre ma part de sommeil, avec l’intention bien arrêtée de n’en rien faire. Si j’avais parlé ainsi, c’est que M. de Lauranay aurait voulu veiller avec moi, et il ne fallait pas qu’il s’imposât ce surcroît de fatigue.

Me voilà donc, allant, venant, en sentinelle. On comprend que d’être de faction, cela n’avait rien de nouveau pour un soldat. Par prudence, les deux pistolets, que j’avais retirés de la berline, étaient passés à ma ceinture. Dans ma pensée, il n’était que sage de faire bonne garde.

Aussi avais-je pris la ferme résolution de résister au sommeil, bien que j’eusse les paupières lourdes. Parfois, lorsque mes jambes se dérobaient, je venais m’étendre près de la hutte, l’oreille toujours tendue, l’œil toujours ouvert.

La nuit était très sombre, bien que les basses vapeurs eussent peu à peu remonté dans les hauteurs du ciel. Pas un trou à ce