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Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/152

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« Quelles sont ces gens ? lui demanda-t-on.

— Des Français que je reconduis à la frontière.

— Et qui êtes-vous ?

— Nicolas Friedel, loueur à Hochst. »

Nos passeports furent examinés avec une minutieuse attention. Bien qu’ils fussent en règle, on juge de l’angoisse qui nous serrait le cœur !

« Ces passeports n’ont plus que quatre jours à courir ! fit observer le chef du poste. Il faut donc que, dans quatre jours, ces gens-là soient hors du territoire.

— Ils y seront, répondit Jean Keller, mais nous n’avons pas de temps à perdre !

— Passez ! »

Une demi-heure après, le Rhin franchi, nous étions à l’Hôtel de Anhalt, où M. Jean devait jouer jusqu’au bout son rôle de loueur. Il m’en souviendra, de notre entrée à Mayence !

Ce que c’est que les choses ! Quel accueil différent nous aurait attendus quelques mois plus tard, lorsqu’en octobre, Mayence s’était rendue aux Français ! Quelle joie c’eût été de trouver là nos compatriotes ! Comme ils auraient reçu, non seulement nous que l’on chassait des territoires allemands, mais aussi Mme Keller et son fils, en apprenant leur histoire ! Et, quand même nous aurions dû rester six mois, huit mois, dans cette capitale, eh bien, nous en serions sortis avec nos braves régiments et les honneurs de la guerre pour rentrer en France !

Mais on n’arrive pas quand on veut, et le principal, lorsqu’on est arrivé, c’est de pouvoir repartir à sa convenance.

Lorsque Mme Keller, Mlle Marthe et Irma furent rentrées dans leur chambre à l’Hôtel de Anhalt, M. Jean s’en fut s’occuper de son cheval. M. de Lauranay et moi, nous sortîmes pour aller aux nouvelles.

Le mieux était de s’installer dans une brasserie et d’y demander les dernières gazettes. Et cela en valait la peine d’apprendre ce qui