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Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/157

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patache. Mme Keller dut mettre pied à terre et s’appuyer au bras de son fils.

Encore quelques heures, et nos passeports ne nous protégeraient plus !…

On alla ainsi jusqu’à la nuit. On campa sous les arbres. On vécut du reste des provisions. Enfin, le lendemain, 5 septembre, vers le soir, nous franchissions la frontière.

Oui ! c’était bien le sol français que nos pieds foulaient alors, mais le sol français occupé par des soldats étrangers !


XIX

Nous touchions donc au terme de ce long voyage que la déclaration de guerre nous avait obligés à faire à travers un pays ennemi. Ce pénible chemin de France, nous l’avions parcouru au prix d’extrêmes fatigues, sinon d’extrêmes dangers. Sauf en deux ou trois circonstances — entre autres, lorsque les Buch nous avaient attaqués — notre vie n’avait jamais été mise en péril, notre liberté non plus.

Ce que je dis de nous s’applique également à M. Jean, depuis que nous l’avions rencontré dans les montagnes de la Thuringe. Il était arrivé sain et sauf. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à gagner quelque ville des Pays-Bas, où il pourrait attendre en sûreté l’issue des événements.

Cependant la frontière était envahie. Autrichiens et Prussiens, établis dans cette région qui s’étend jusqu’à la forêt de l’Argonne, nous la rendaient aussi dangereuse que si nous eussions eu à traverser les districts de Postdam ou de Brandebourg. Aussi, après les fatigues du passé, l’avenir nous réservait-il des périls autrement graves.