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Page:Verne - Le Chemin de France, Hetzel, 1887.djvu/182

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Voilà ce qui s’était fait au moment où nous avions été obligés de prendre la fuite. Depuis, Dumouriez tenta de réparer cette faute si grave, en envoyant le général Chazot avec deux brigades, six escadrons et quatre pièces de huit, pour chasser les Autrichiens, avant qu’ils se fussent retranchés.

Malheureusement, le 14, Chazot ne fut pas en mesure d’opérer, le 15, non plus. Lorsqu’il attaqua dans la soirée du 16, il était déjà trop tard.

En effet, s’il repoussa d’abord les Autrichiens du défilé, s’il leur tua même le prince de Ligne, il eut bientôt à soutenir le choc de forces supérieures. Malgré d’héroïques efforts, le passage de la Croix-aux-Bois fut définitivement perdu.

Faute très regrettable pour la France, et, j’ajouterai, pour nous, car, sans cette déplorable erreur, dès le 15, nous eussions pu être au milieu des Français.

Maintenant, cela n’était plus possible. En effet, Chazot, se voyant coupé du quartier-général, recula sur Vouziers, tandis que Dubourg, qui occupait le Chêne-Populeux, craignant d’être enveloppé, revenait vers Attigny.

La frontière de France était donc ouverte aux colonnes des Impériaux. Dumouriez risquait d’être cerné et contraint de mettre bas les armes.

Et alors, plus d’obstacles sérieux à opposer aux envahisseurs entre Paris et l’Argonne.

Quant à nous deux Jean Keller, je suis forcé de convenir que nous étions mal pris.

Presque aussitôt après avoir quitté la maison de Hans Stenger, j’avais rejoint M. Jean au plus épais du bois.

« Vous… Natalis ? s’écria-t-il.

— Oui !… moi !…

— Et votre promesse de ne jamais abandonner ni Marthe ni ma mère !

— Minute, monsieur Jean ! Écoutez-moi ! »