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Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/174

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— Ils n’en ont pas, affirma le maître d’équipage. À bord du Jonathan, les règlements étaient formels. Les émigrants ont été fouillés, eux et leurs colis, en embarquant, et toutes les armes à feu ont été saisies. Personne n’en possède en dehors de celles que nous avons cachées, et celles-ci, on ne les trouvera pas. Par conséquent… »

Hartlepool s’interrompit brusquement. Il paraissait soucieux.

« Mille diables !… s’écria-t-il. Il y en a, au contraire. Nous avons trouvé seulement quarante-huit fusils au lieu de soixante. Je croyais à une erreur. Mais, ça me revient maintenant, les douze manquants ont été emportés par les Rivière, les Ivanoff, les Gimelli et les Gordon. Heureusement que ce sont des gens sérieux, et qu’il n’y a rien à craindre d’eux !

— Il existe d’autres dangers que les armes, fit observer Harry Rhodes. L’alcool par exemple. En ce moment, on s’embrasse, mais il n’en sera pas toujours de même. Déjà, Lazare Ceroni a recommencé à faire des siennes. En votre absence, j’ai été obligé d’intervenir. Sans Hartlepool et moi, je crois que, cette fois, il assommait décidément sa victime.

— Cet homme est un monstre, dit le Kaw-djer.

— Comme tous les ivrognes, ni plus ni moins… N’importe, il est heureux pour les deux femmes que Halg soit de retour… Au fait ! comment va-t-il, notre jeune sauvage ?

— Aussi bien que peut aller un garçon dans son état d’esprit. Inutile de vous dire que ce n’est pas de gaieté de cœur qu’il nous a accompagnés, son père et moi. J’ai dû faire acte d’autorité et engager ma parole que nous reviendrions ici. Puisque cette famille reste avec les autres sur l’île Hoste, cela simplifie évidemment les choses. Ce qui les complique, par exemple, ce sont les déplorables habitudes de Lazare Ceroni. Espérons qu’il s’amendera quand la provision d’alcool sera épuisée. »

Pendant qu’on s’occupait ainsi de lui, Halg, laissant la Wel-Kiej à la garde de son père, s’était empressé d’aller retrouver Graziella. Quelle joie ils eurent de se revoir ! Puis la joie fit place à la tristesse. Graziella raconta au jeune Indien les épreuves que Ceroni imposait de nouveau à sa femme et à sa fille. À ces misères s’ajoutaient, pour cette dernière, la recherche cauteleuse de Patterson, et surtout la poursuite brutale de Sirk. Elle ne pouvait faire un pas au dehors sans être exposée à subir l’inso-