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Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/246

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plus qu’un cadavre, il passa aussitôt au suivant, puis à tous les autres, entrouvrant les vêtements quand il y avait lieu et procédant rapidement à des pansements sommaires. Ce qu’avait annoncé Sirdey était exact. Il y avait bien, en effet, trois morts et quatre blessés.

Quand tout fut terminé, le Kaw-djer regarda autour de lui et malgré sa tristesse, il ne put s’empêcher de sourire en se voyant entouré d’un millier de visages qui exprimaient la plus respectueuse et la plus puérile curiosité. Pour mieux l’éclairer, les porteurs de torches s’étaient rapprochés. Les trois groupes, suivant le mouvement, s’étaient peu à peu fondus en un seul dont il formait le centre, et dans lequel le silence était devenu profond.

Le Kaw-djer demanda qu’on vînt à son aide. Personne ne faisant mine de bouger, il désigna par leur nom ceux dont il réclamait le concours. Ce fut alors très différent. Sans la moindre hésitation, l’émigrant désigné sortait de la foule à l’appel de son nom et se conformait avec zèle aux instructions qui lui étaient données.

En quelques minutes, morts et blessés furent enlevés et transportés dans leurs demeures respectives, sous la conduite du Kaw-djer, dont le rôle n’était pas terminé. Il lui restait à visiter successivement les quatre blessés, à procéder à l’extraction des projectiles et aux pansements définitifs, avant de regagner le Bourg-Neuf.

Tout en parachevant de cette manière son œuvre de dévouement, il s’informait des causes du massacre. Il apprit ainsi la rentrée en scène de Lewis Dorick, l’animosité de la foule à l’égard de Ferdinand Beauval et le dérivatif imaginé par celui-ci, les razzias faites dans les environs du campement et enfin la tentative de pillage dont il pouvait constater de visu le piteux résultat.

Piteux, il ne pouvait l’être, en effet, davantage. Repoussés à coups de fusils, comme il a été dit, par les quatre familles solidement retranchées dans leur enclos, les pillards avaient battu en retraite, ne rapportant, en fait de butin, que leurs camarades tués ou blessés. Combien le retour avait été différent de l’aller ! Ils étaient partis à grand bruit, s’excitant les uns les autres, grisés d’une sorte de joie féroce, au milieu d’un concert d’exclamations, de lazzi brutaux, de vociférations, de menaces contre ceux qu’on se disposait à mettre à rançon. Ils revenaient en