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Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/319

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Grande avait été leur surprise, quand, en revenant de cette expédition le matin du 27 février, ils avaient constaté que le gouvernement était toujours debout. Pendant qu’ils s’éloignaient de la ville pour se débarrasser de leur baril, puis, tandis qu’ils s’en rapprochaient, ils avaient, de seconde en seconde, attendu l’explosion. Cette explosion ne devait pas se produire, on le sait, et les deux malfaiteurs parvinrent à leurs domiciles respectifs sans que rien d’insolite fût arrivé.

C’était à n’y rien comprendre.

Quelle que fût leur curiosité, les coupables ne se hâtèrent pas, cependant, de chercher à la satisfaire. L’échec de leur tentative justifiait toutes les craintes, et leur unique objectif fut d’abord de passer inaperçus. Ils se mêlèrent donc aux autres travailleurs et s’appliquèrent à éviter tout ce qui eût été susceptible d’attirer l’attention sur eux.

Ce fut seulement au cours de l’après-midi que Lewis Dorick osa passer devant le gouvernement. De loin, il lança un rapide coup d’œil du côté du Tribunal et vit le serrurier Lawson en train de réparer la porte fracturée. Lawson ne semblait pas attacher à son travail une importance particulière. On lui avait dit de mettre une serrure neuve ; il la mettait, voilà tout.

La tranquillité de Lawson ne rassura nullement Dorick. Puisqu’on réparait la porte, c’est que l’effraction était connue. Par conséquent, on avait nécessairement découvert le baril de poudre et la mèche consumée. Qui avait fait cette découverte ? Dorick n’en savait rien. Mais il ne pouvait douter qu’un événement aussi grave n’eût été immédiatement porté à la connaissance du gouverneur, et il en concluait avec raison que des mesures allaient être prises, qu’on allait exercer une surveillance rigoureuse, et, se sachant coupable, il s’estimait en grand péril.

Une plus juste notion des choses lui rendit le sang-froid. Rien ne prouvait sa culpabilité après tout. Quand bien même on le soupçonnerait, ce n’est pas sur des soupçons qu’on peut arrêter, emprisonner, ni surtout condamner les gens. Pour cela, il faut des preuves. Et, des preuves, il n’en existerait pas contre lui, tant que ses complices garderaient le silence.

Ces réflexions rassurantes ne l’empêchèrent pas d’éprouver une violente émotion lorsque, vers la fin du jour, il se trouva à