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Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/424

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nement chilien étaient excellentes de part et d’autre. Le Chili ne pouvait que s’applaudir chaque année davantage de sa détermination. Il obtenait des profits moraux et matériels qui manqueront toujours à la République Argentine, tant qu’elle ne modifiera pas ses méthodes administratives et ses principes économiques.

Tout d’abord, en voyant à la tête de l’île Hoste ce mystérieux personnage, dont la présence dans l’archipel magellanique lui avait paru à bon droit suspecte, le gouvernement chilien n’avait pas dissimulé son mécontentement et ses inquiétudes. Mécontentement forcément platonique. Sur cette île indépendante où il s’était réfugié, on ne pouvait plus rechercher la personne du Kaw-djer, ni vérifier son origine, ni lui demander compte de son passé. Que ce fût un homme incapable de supporter le joug d’une autorité quelconque, qu’il eût été jadis en rébellion contre toutes les lois sociales, qu’il eût peut-être été chassé de tous les pays soumis sous n’importe quel régime aux lois nécessaires, son attitude autorisait ces hypothèses, et s’il fût resté sur l’île Neuve, il n’eût pas échappé aux enquêtes de la police chilienne. Mais, lorsqu’on vit, après les troubles provoqués par l’anarchie du début, la tranquillité parfaite due à la ferme administration du Kaw-djer, le commerce naître et grandir, la prospérité largement s’accroître, il n’y eut plus qu’à laisser faire. Et, au total, il ne s’éleva jamais aucun nuage entre le gouverneur de l’île Hoste et le gouverneur de Punta-Arenas.

Cinq ans s’écoulèrent ainsi, pendant lesquels les progrès de l’île Hoste ne cessèrent de se développer. En rivalité avec Libéria, mais une rivalité généreuse et féconde, trois bourgades s’étaient fondées, l’une sur la presqu’île Dumas, une autre sur la presqu’île Pasteur, et la troisième à l’extrême pointe occidentale de l’île, sur le Darwin Sound, en face de l’île Gordon. Elles relevaient de la capitale, et le Kaw-djer s’y transportait, soit par mer, soit par les routes tracées à travers les forêts et les plaines de l’intérieur.

Sur les côtes, plusieurs familles de Pêcherais s’étaient également établies et y avaient fondé des villages fuégiens, à l’exemple de ceux qui, les premiers, avaient consenti à rompre avec leurs séculaires habitudes de vagabondage pour se fixer dans le voisinage du Bourg-Neuf.