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Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/451

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générale, en supprimant toute contribution des citoyens, avait tari la source où s’alimentait jusqu’alors la caisse publique.

Quant aux fonds personnels du Kaw-djer, quelques jours suffirent à les épuiser. Il les avait largement entamés au cours de l’été, afin que les travaux du cap Horn ne fussent pas interrompus, malgré les graves difficultés au milieu desquelles il se débattait. Ce n’est pas sans mal qu’il y était parvenu. Pas plus que les autres Hosteliens, la fièvre de l’or n’épargna les ouvriers qu’on y employait. Les travaux subirent de ce chef un retard important. Au mois d’avril 1892, huit mois après le premier coup de pioche, le gros œuvre arrivait à peine à la hauteur d’un premier étage, alors que, selon les prévisions du début, il eût dû être entièrement achevé.

Parmi la vingtaine d’Hosteliens, pour qui le métier de prospecteur avait eu des résultats favorables, figurait Kennedy, l’ancien matelot du Jonathan, transformé en nabab par un heureux coup de pic, et qui se faisait suffisamment remarquer pour que sa chance ne fût ignorée de personne.

Combien possédait-il ? Personne n’en savait rien, et pas même lui, peut-être, car il n’est pas certain qu’il fût capable de compter, mais beaucoup en tout cas, à en juger par ses dépenses. Il semait l’or à pleines mains. Non pas l’or monnayé ayant cours légal dans tous les pays civilisés, mais le métal en pépites ou en paillettes dont il semblait abondamment pourvu.

Ses allures étaient ébouriffantes. Il pérorait avec autorité, tranchait du milliardaire, et annonçait à qui voulait l’entendre son intention de quitter prochainement une ville où il ne pouvait se procurer l’existence convenant à sa fortune.

Pas plus que l’importance de cette fortune, personne n’en connaissait exactement l’origine, et personne n’aurait pu dire où était situé le claim d’où elle avait été extraite. Quand on interrogeait Kennedy à cet égard, il prenait des airs de mystère et rompait les chiens sans donner de réponse précise. Pourtant, on l’avait rencontré au cours de l’été. Des Libériens l’avaient aperçu, non pas travaillant d’une manière quelconque, mais en train de se promener les mains dans les poches, tout simplement.

Ils n’avaient pu oublier cette rencontre, qui, pour plusieurs, avait coïncidé avec un grand malheur qui leur était arrivé. Peu d’heures ou peu de jours après qu’ils avaient vu Kennedy, l’or