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Page:Verne - Les Naufragés du Jonathan, Hetzel, 1909.djvu/493

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En un quart d’heure, la troupe chilienne, suivie des yeux par les Hosteliens étonnés, arrivait sur la place et prenait position devant le gouvernement. Un officier en grande tenue, qui devait être d’un grade élevé, à en juger par les dorures dont il était chamarré, s’en détacha, heurta du pommeau de son sabre la porte qui s’ouvrit aussitôt, et demanda à parler au Gouverneur.

Il fut conduit dans la pièce où se tenait le Kaw-djer, et dont la porte se referma silencieusement derrière lui. Une minute plus tard, un sourd grondement indiqua que les portes extérieures étaient fermées à leur tour. Sans qu’il s’en doutât, l’officier chilien était virtuellement prisonnier.

Mais celui-ci ne semblait éprouver aucun souci de sa situation personnelle. Il s’était arrêté à quelques pas du seuil, la main à son bicorne emplumé, les yeux fixés sur le Kaw-djer qui, debout entre les deux fenêtres, gardait une complète immobilité.

Ce fut le Kaw-djer qui prit la parole le premier.

« M’expliquerez-vous, monsieur, dit-il d’une voix brève, ce que signifie ce débarquement d’une force armée sur l’île Hoste ? Nous ne sommes pas en guerre avec le Chili, que je sache ? »

L’officier chilien tendit une large enveloppe au Kaw-djer.

— Monsieur le Gouverneur, répondit-il, permettez-moi de vous présenter tout d’abord la lettre par laquelle mon gouvernement m’accrédite auprès de vous.

Le Kaw-djer rompit les cachets et lut attentivement, sans que rien dans l’expression de son visage trahît les sentiments que sa lecture pouvait lui faire éprouver.

— Monsieur, dit-il avec calme lorsqu’elle fut achevée, le gouvernement chilien, ainsi que vous le savez sans doute, vous met par cette lettre à ma disposition en vue du rétablissement de l’ordre à l’île Hoste.

L’officier s’inclina silencieusement en signe d’assentiment.

— Le gouvernement chilien, monsieur, a été mal renseigné, continua le Kaw-djer. Comme tous les pays du monde, l’île Hoste a connu, il est vrai, des périodes troublées. Mais ses habitants ont su rétablir eux-mêmes l’ordre qui est actuellement parfait.

L’officier, qui paraissait embarrassé, ne répondit pas.

— Dans ces conditions, reprit le Kaw-djer, tout en étant reconnaissant à la République du Chili de ses intentions bienveillantes,