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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/16

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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

« Si l’aplatissement de la terre, disait ce savant, n’est pas plus grand que Huyghens l’a supposé, la différence des degrés du méridien déjà mesuré en France d’avec les premiers degrés du méridien voisin de l’équateur ne sera pas assez considérable pour qu’elle ne puisse pas être attribuée aux erreurs possibles des observateurs et à l’imperfection des instruments. Mais, si on l’observe au pôle, la différence entre le premier degré du méridien voisin de la ligne équinoxiale et le 66e degré, par exemple, qui coupe le cercle polaire, sera assez grande, même dans l’hypothèse de Huyghens, pour se manifester sans équivoque, malgré les plus grandes erreurs commissibles, parce que cette différence se trouvera répétée autant de fois qu’il y aura de degrés intermédiaires. »

Le problème était ainsi nettement posé, et il devait recevoir au pôle, aussi bien qu’à l’équateur, une solution qui allait terminer le débat en donnant raison à Huyghens et à Newton.

L’expédition partit sur un navire équipé à Dunkerque. Elle se composait, outre Maupertuis, de Clairaut, Camus et Lemonnier, académiciens, de l’abbé Outhier, chanoine de Bayeux, d’un secrétaire, Sommereux, d’un dessinateur, Herbelot, et du savant astronome suédois Celsius.

Lorsqu’il reçut les membres de la mission à Stockholm, le roi de Suède leur dit : « Je me suis trouvé dans de sanglantes batailles, mais j’aimerais mieux retourner à la plus meurtrière que d’entreprendre le voyage que vous allez faire. »

Assurément, ce ne devait pas être une partie de plaisir. Des difficultés de toute sorte, des privations continues, un froid excessif, allaient éprouver ces savants physiciens. Mais que sont leurs souffrances auprès des angoisses, des dangers, des épreuves qui attendaient les navigateurs polaires, Ross, Parry, Hall, Payer et tant d’autres !

« À Tornea, au fond du golfe de Bothnie, presque sous le cercle polaire, les maisons étaient enfouies sous la neige, dit Damiron, dans son Éloge de Maupertuis. Lorsqu’on sortait, l’air semblait déchirer la poitrine, les degrés du froid croissant s’annonçaient par le bruit avec lequel le bois, dont toutes les maisons sont bâties, se fendait. À voir la solitude qui régnait dans les rues, on eût cru que les habitants de la ville étaient morts. On rencontrait à chaque pas des gens mutilés, ayant perdu bras ou jambes par l’effet d’une si dure température. Et cependant ce n’était pas à Tornea que les voyageurs devaient s’arrêter. »

Aujourd’hui que ces lieux sont mieux connus, que l’on sait ce qu’est la rigueur du climat arctique, on peut se faire une idée plus juste des difficultés que devaient y rencontrer des observateurs.

Ce fut en juillet 1736 qu’ils commencèrent leurs opérations. Au delà de