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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/20

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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

tenté de pénétrer dans le pays. Bouguer atteignit Quito le 10 juin. Cette ville avait alors trente ou quarante mille habitants, un évêque président de l’Audience, nombre de communautés religieuses et deux collèges. La vie y était assez bon marché ; seules, les marchandises étrangères y atteignaient un prix extravagant, à ce point qu’un gobelet de verre valait dix-huit ou vingt francs.

Les savants escaladèrent le Pichincha, montagne voisine de Quito, dont les éruptions ont été plus d’une fois fatales à cette ville ; mais ils ne tardèrent pas à reconnaître qu’il fallait renoncer à porter si haut les triangles de leur méridienne, et ils durent se contenter de placer les signaux sur les collines.

« On voit presque tous les jours sur le sommet de ces mêmes montagnes, dit Bouguer dans le mémoire qu’il lut à l’Académie des Sciences, un phénomène extraordinaire qui doit être aussi ancien que le monde et dont il y a bien cependant de l’apparence que personne avant nous n’avait été témoin. La première fois que nous le remarquâmes, nous étions tous ensemble sur une montagne nommée Pambamarca. Un nuage, dans lequel nous étions plongés et qui se dissipa, nous laissa voir le soleil qui se levait et qui était très éclatant. Le nuage passa de l’autre côté. Il n’était pas à trente pas, lorsque chacun de nous vit son ombre projetée dessus et ne voyait que la sienne, parce que le nuage n’offrait pas une surface unie. Le peu de distance permettait de distinguer toutes les parties de l’ombre ; on voyait les bras, les jambes, la tête ; mais, ce qui nous étonna, c’est que cette dernière partie était ornée d’une gloire ou auréole formée de trois ou quatre petites couronnes concentriques d’une couleur très-vive, chacune avec les mêmes variétés que l’arc-en-ciel, le rouge étant en dehors. Les intervalles entre ces cercles étaient égaux ; le dernier cercle était plus faible ; et enfin, à une grande distance, nous voyions un grand cercle blanc qui environnait le tout. C’est comme une espèce d’apothéose pour le spectateur. »

Comme les instruments dont ces savants se servaient n’avaient pas la précision de ceux qui sont employés aujourd’hui, et étaient sujets aux changements de la température, il fallut procéder avec le plus grand soin et la plus minutieuse attention pour que de petites erreurs multipliées ne finissent pas par en causer de considérables. Aussi, dans leurs triangles, Bouguer et ses compagnons ne conclurent jamais le troisième angle de l’observation des deux premiers : il les observèrent tous.

Après avoir obtenu en toises la mesure du chemin parcouru, il restait à découvrir quelle partie du circuit de la Terre formait cet espace ; mais on ne pouvait résoudre cette question qu’au moyen d’observations astronomiques.

Après nombre d’obstacles, que nous ne pouvons décrire ici en détail, et de