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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/285

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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

M. Mouton afin de découvrir un plus grand espace : vain espoir, tout avait été englouti... et M. Boutin rentra à la marée étale.

« La mer étant devenue belle, cet officier avait conservé quelque espérance pour la biscayenne de l’Astrolabe ; il n’avait vu périr que la nôtre. M. de Marchainville était dans ce moment à un quart de lieue du danger, c’est-à-dire dans une mer aussi parfaitement tranquille que celle du port le mieux fermé ; mais ce jeune officier, poussé par une générosité sans doute imprudente, puisque tout secours était impossible dans ces circonstances, ayant l’âme trop élevée, le courage trop grand pour faire cette réflexion lorsque ses amis étaient dans un si extrême danger, vola à leur secours, se jeta dans les mêmes brisants, et, victime de sa générosité et de la désobéissance formelle de son chef, périt comme lui.

« Bientôt, M. de Langle arriva à mon bord aussi accablé de douleur que moi-même, et m’apprit, en versant des larmes, que le malheur était encore infiniment plus grand que je ne croyais. Depuis notre départ, il s’était fait une loi inviolable de ne jamais détacher les deux frères, MM. La Borde-Marchainville et La Borde-Boutervilliers, pour une même corvée, et il avait cédé, dans cette seule occasion, au désir qu’ils avaient témoigné d’aller se promener et chasser ensemble, car c’était presque sous ce point de vue que nous avions envisagé, l’un et l’autre, la course de nos canots, que nous croyions aussi peu exposés que dans la rade de Brest, lorsque le temps est très beau. »

Plusieurs embarcations furent aussitôt dépêchées à la recherche des naufragés. Des récompenses avaient été promises aux indigènes, s’ils parvenaient à sauver quelqu’un ; mais le retour des chaloupes détruisit jusqu’à la dernière illusion. Tous avaient péri.

Dix-huit jours après cette catastrophe, les deux frégates quittaient le port des Français. Au milieu de la baie, sur l’île qui fut appelée île du Cénotaphe, La Pérouse avait élevé un monument à la mémoire de nos infortunés compatriotes. On y lisait l’inscription suivante :

a l’entrée du port, ont péri vingt et un braves marins ;
qui que vous soyez, mêlez vos larmes aux nôtres.

Au pied du monument avait été enterrée une bouteille, qui renfermait le récit de ce déplorable événement.

Situé par 58° 37 ’ de latitude nord et 139° 50’ de longitude ouest, le port des Français présente de grands avantages, mais aussi quelques inconvénients au premier rang desquels il convient de placer les courants de la passe. Le