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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/317

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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

par leur abondance, mérité à cette terre le nom qu’elle portait. En revanche, elle offrit aux naturalistes une abondance considérable de végétaux et d’insectes, dont la variété fit la joie de La Billardière.

Pendant toute la relâche, les pluies tombèrent abondamment. C’était un torrent d’eau tiède qui coulait sans cesse.

Après avoir fait l’eau et le bois nécessaires, la Recherche et l’Espérance appareillèrent, le 24 juillet 1792, du port Carteret. Dans cette manœuvre, l’Espérance perdit une ancre dont le câble avait été coupé par les brisants de corail. Les deux frégates embouquèrent alors le canal Saint-Georges, large à son extrémité méridionale de six à sept myriamètres, c’est-à-dire ayant à peu près la moitié de ce que Carteret lui donne. Emportées par des courants rapides, elles passèrent devant les îles de Man et de Sandwich, sans pouvoir s’y arrêter.

Dès qu’il eut pris connaissance des îles Portland, îlots aplatis, au nombre de sept, qui gisent par 2° 39′ 44″ de latitude sud et 147° 13′ de longitude est, d’Entrecasteaux continua sa route vers les îles de l’Amirauté, qu’il se proposait de visiter. D’après les rapports qui auraient été faits au commodore Hunter, c’était sur la plus orientale de ces îles qu’avaient été aperçus des naturels vêtus d’uniformes de la marine française.

« Les sauvages parurent en foule, dit la relation. Les uns couraient le long du rivage ; d’autres, les yeux fixés sur nos vaisseaux, nous invitaient par signes à descendre à terre ; leurs cris étaient l’expression de la joie… À une heure et demie, on mit en panne, et l’on expédia, de chaque vaisseau, un canot avec différents objets, qui devaient être distribués aux habitants de cette petite île. Tandis que ces canots s’en approchaient le plus possible, les frégates se tenaient à portée de les protéger en cas d’attaque de la part des sauvages, car la perfidie des habitants du sud des îles de l’Amirauté à l’égard de Carteret nous laissait des inquiétudes sur le sort de ceux-ci. »

La côte était ceinte de récifs. Les embarcations ne purent s’en approcher qu’à cent mètres de distance. Un grand nombre de naturels bordaient le rivage et, par leurs signes, engageaient les Français à débarquer.

« Un sauvage, distingué des autres par un double rang de petits coquillages dont il avait le front orné, paraissait jouir de beaucoup d’autorité. Il ordonna à l’un des naturels de se jeter à l’eau pour nous apporter quelques noix de coco. La crainte de s’approcher, à la nage et sans défense, de personnes dont il ne connaissait point les intentions, fit hésiter un moment cet insulaire. Mais le chef, peu accoutumé sans doute à trouver de la résistance à ses volontés, ne lui permit pas de réfléchir ; des coups de bâton, qu’il lui donna lui-même sur le ventre,