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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/353

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LES NAVIGATEURS FRANÇAIS.

sont d’une perfection si grande, dit la relation, qu’il serait peut-être impossible de trouver ailleurs rien de supérieur en ce genre, et M. Beautemps-Beaupré, leur auteur principal, s’est acquis par là des droits incontestables à l’estime de ses compatriotes, à la reconnaissance des navigateurs de tous les pays. Partout où les circonstances permirent à cet habile ingénieur de faire des recherches suffisantes, il ne laissa à ses successeurs aucune lacune à remplir. Le canal d’Entrecasteaux, les baies et les ports nombreux qui s’y rattachent, sont surtout dans ce cas. Malheureusement, il n’en est pas ainsi de la portion de la terre de Diemen qui se trouve dans le nord-est du canal et qui ne fut que très superficiellement visitée par les canots de l’amiral français. »

C’est cette partie de la côte que s’attachèrent surtout à relever les hydrographes, de manière à relier leurs observations à celles de leurs compatriotes et à former un ensemble qui ne laissât rien à désirer. Ces travaux, qui rectifièrent et complétèrent ceux de d’Entrecasteaux, retinrent les navires jusqu’au 5 février. Ils procédèrent alors à la reconnaissance de la côte sud-est de la terre de Diemen. Les détails de cette navigation sont toujours les mêmes. Les incidents ne varient guère et n’offrent d’intérêt qu’au géographe. Aussi, malgré l’importance et le soin de ces relèvements, ne nous y attarderons-nous que lorsque nous pourrons glaner quelque anecdote.

Ce furent ensuite la côte orientale de la Tasmanie, les détroits de Banks et de Bass qu’explorèrent le Naturaliste et le Géographe.

« Le 6 mars, dans la matinée, nous prolongeâmes à grande distance les îlots Taillefer et l’île Schouten. À midi environ, nous nous trouvions par le travers du cap Forestier, lorsque notre ingénieur géographe, M. Boullanger, partit dans le grand canot commandé par M. Maurouard pour aller relever de plus près tous les détails de la côte. Le bâtiment devait suivre une route parallèle à celle du canot et ne le jamais perdre de vue ; mais, à peine M. Boullanger était-il parti depuis un quart d’heure, que notre commandant, prenant tout à coup et sans aucune espèce de raison apparente, la bordée du large, s’éloigna ; bientôt l’embarcation disparut à nos yeux. Ce ne fut qu’à la nuit qu’on revira de bord sur la terre. Une brise violente s’était élevée ; à chaque instant elle fraîchissait davantage ; nos manœuvres furent indécises, la nuit survint et nous déroba la vue des côtes, le long desquelles nous venions d’abandonner nos malheureux compagnons. »

Les trois jours suivants furent employés, mais vainement, à leur recherche.

Dans les termes si mesurés de la relation, ne semble-t-il pas percer une indignation véritable contre la manière d’agir du commandant Baudin ? Quel pouvait être son dessein ? En quoi pouvait lui servir l’abandon de ses matelots