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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/423

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L’ASIE ET SES PEUPLES.

« Tout ce que l’œil peut embrasser à la fois, dit Macartney, de cette muraille fortifiée, prolongée sur la chaîne des montagnes et sur les sommets les plus élevés, descendant dans les plus profondes vallées, traversant les rivières par des arches qui la soutiennent, doublée, triplée en plusieurs endroits, pour rendre les passages plus difficiles, et ayant des tours ou de forts bastions, à peu près de cent pas en cent pas, tout cela, dis-je, présente à l’âme l’idée d’une entreprise d’une grandeur étonnante....

« Ce qui cause de la surprise et de l’admiration, c’est l’extrême difficulté de concevoir comment on a pu porter des matériaux et bâtir des murs dans des endroits qui semblent inaccessibles. L’une des montagnes les plus élevées, sur lesquelles se prolonge la grande muraille, a, d’après une mesure exacte, cinq mille deux cent vingt-cinq pieds de haut.

« Cette espèce de fortification, car le simple nom de muraille ne donne pas une juste idée de sa structure, cette fortification a, dit-on, quinze cents milles de long ; mais, à la vérité, elle n’est pas également parfaite. Cette étendue de quinze cents milles était celle des frontières qui séparaient les Chinois civilisés de diverses tribus de Tartares vagabonds. Ce n’est point de ces sortes de barrières que peut dépendre aujourd’hui le sort des nations qui se font la guerre.

« Plusieurs des moindres ouvrages en dedans de ces grands remparts cèdent aux efforts du temps et commencent à tomber en ruines ; d’autres ont été réparés ; mais la muraille principale paraît, presque partout, avoir été bâtie avec tant de soin et d’habileté, que, sans qu’on ait jamais eu besoin d’y toucher, elle se conserve entière depuis environ deux mille ans, et elle paraît encore aussi peu susceptible de dégradation que les boulevards de rocher, que la nature a élevés elle-même entre la Chine et la Tartarie. »

Au delà de la muraille, la nature semblait annoncer, elle aussi, qu’on entrait dans un autre pays. La température était plus froide, les chemins plus raboteux, les montagnes moins richement parées. Le nombre des goitreux était considérable dans ces vallées de la Tartarie et s’élevait, suivant le docteur Gillan, médecin de l’ambassade, au sixième de la population. La partie de la Tartarie où cette maladie est commune, offre une grande ressemblance avec quelques cantons de la Suisse et de la Savoie.

Enfin, on aperçut la vallée de Zhé-Hol, où l’empereur possède un palais et un jardin qu’il habite l’été. La résidence s’appelle : Séjour de l’agréable fraîcheur, et le parc : Jardin des arbres innombrables. L’ambassade fut reçue avec les honneurs militaires, au milieu d’une foule immense, parmi laquelle on remarquait