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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/433

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L’ASIE ET SES PEUPLES.

avec empressement par les hommes politiques, par tous ceux qui s’intéressent aux destinées de leur patrie, aussi bien que par les curieux qui se plaisent à la description de mœurs si différentes des nôtres, si variées entre elles. Aucun ouvrage n’avait encore été publié qui surpassât celui du naturaliste Pallas, Voyage à travers plusieurs provinces de l’empire russe, traduit en français de 1788 à 1793. Aucun n’eut autant de succès, et nous devons avouer qu’il le méritait à tous égards.

Pierre-Simon Pallas est un naturaliste allemand que Catherine ii avait appelé en 1768 à Saint-Pétersbourg, qu’elle avait fait aussitôt nommer adjoint de l’Académie des Sciences, et qu’elle sut s’attacher par ses bienfaits. Pallas, en témoignage de reconnaissance, publie aussitôt son mémoire sur les ossements fossiles de la Sibérie. L’Angleterre et la France venaient d’envoyer des expéditions pour observer le passage de Vénus sur le disque du soleil. La Russie ne veut pas rester en arrière et fait partir pour la Sibérie toute une troupe de savants dont Pallas fait partie.

Sept astronomes et géomètres, cinq naturalistes et plusieurs élèves doivent parcourir en tout sens cet immense territoire. Pendant six ans entiers, Pallas ne s’épargne pas, explorant, tour à tour, Orembourg, sur le Jaïk, rendez-vous des hordes nomades qui errent sur les bords salés de la Caspienne ; Gouriel, située sur cette mer ou plutôt ce grand lac qui se déssèche tous les jours ; les montagnes de l’Oural et les nombreuses mines de fer qu’elles renferment ; Tobolsk, la capitale de la Sibérie ; le gouvernement de Koliwan, sur le versant septentrional de l’Altaï ; Krasnojarsk, sur le Yenisseï ; le grand lac Baïkal et la Daourie, qui touche aux frontières de la Chine. Puis c’est Astrakan, c’est le Caucase, aux peuples si divers et si intéressants, c’est le Don, qu’il étudie avant de rentrer à Pétersbourg, le 30 juillet 1774.

Il ne faut pas croire que Pallas soit un voyageur ordinaire. Il ne voyage pas en naturaliste seulement. Il est homme, et rien de ce qui touche l’humanité ne lui est indifférent. Géographie, histoire, politique, commerce, religion, beaux-arts, sciences, tout a pour lui de l’intérêt ; et cela est si vrai, qu’on ne peut lire son récit de voyage sans admirer la variété de ses connaissances, sans rendre hommage à son patriotisme éclairé, sans reconnaître la perspicacité de la souveraine qui a su s’attacher un homme d’une telle valeur.

Une fois sa relation mise en ordre, écrite et publiée, Pallas ne songe ni à se reposer sur ses lauriers ni à se laisser enivrer par les fumées d’une gloire naissante. Pour lui, le travail est un délassement, et il participe aux opérations nécessaires à l’établissement de la carte de la Russie.