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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/437

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L’ASIE ET SES PEUPLES.

mauvais état de son navire l’avaient contraint de rétrograder. Il n’avait pas fait de découverte, il est vrai, mais il avait constaté que, du port de la Nativité, par 19° 3/4 jusqu’au point qu’il avait atteint, la côte se continuait sans interruption. Le détroit semblait reculer devant les explorateurs.

Il faut croire que le peu de succès de ces tentatives découragea les Espagnols, car, à cette époque, ils disparaissent de la liste des explorateurs. C’est un Anglais, Drake, qui, après avoir prolongé la côte occidentale depuis le détroit de Magellan et ravagé les possessions espagnoles, parvient jusqu’au quarante-huitième degré, explore tout le rivage en redescendant sur une longueur de dix degrés, et donne à cette immense étendue de côtes le nom de Nouvelle-Albion.

Vient ensuite, en 1592, le voyage, en grande partie fabuleux, de Juan de Fuca, qui prétendit avoir trouvé le détroit d’Anian qu’on cherchait depuis si longtemps, alors qu’il n’avait découvert en réalité que le pas qui sépare du continent l’île de Vancouver.

En 1602, Vizcaino jetait les fondations du port de Monterey, en Californie, et quarante ans plus tard, avait lieu cette expédition si contestée de l’amiral de Fuente ou de Fonte, — suivant qu’on en fait un Espagnol ou un Portugais, — expédition qui a donné lieu à tant de dissertations savantes et de discussions ingénieuses. On lui doit la découverte de l’archipel Saint-Lazare au-dessus de l’île Vancouver ; mais il faut rejeter dans le domaine du roman tout ce que Fonte raconte des lacs et des grandes villes qu’il assure avoir visitées et de la communication qu’il prétend avoir découverte entre les deux océans.

Au xviiie siècle, on n’acceptait déjà plus aveuglément les récits des voyageurs. On les examinait, on les contrôlait et l’on n’en retenait que les parties qui concordaient avec les relations déjà connues. Buache, Delisle et surtout Fleurieu ont, les premiers, ouvert la voie si féconde de la critique historique, et il faut leur en savoir le plus grand gré.

Les Russes, on l’a vu, avaient considérablement étendu le domaine de leurs connaissances, et il y avait tout lieu de croire peu éloigné le jour où leurs coureurs et leurs cosaques atteindraient l’Amérique, si surtout, comme on le supposait à cette époque, les deux continents étaient réunis par le nord. Mais ce n’aurait pas été, en tout cas, une expédition sérieuse, et qui pût donner des renseignements scientifiques auxquels on dût ajouter foi.

Le czar Pierre Ier avait tracé de sa main, peu d’années avant sa mort, le plan et les instructions d’un voyage dont il avait formé le projet depuis longtemps : s’assurer si l’Asie et l’Amérique sont réunies ou séparées par un détroit. Il n’était pas possible de trouver les ressources nécessaires dans les arsenaux et