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Page:Verne - Les grands navigateurs du XVIIIe siècle, 1879.djvu/460

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LES GRANDS NAVIGATEURS DU XVIIIe SIÈCLE.

son, qui n’a pourtant que quatre à cinq pouces de long, est plus redoutable que le plus gros des crocodiles. Aussi nul Indien ne se risque-t-il à se plonger dans les eaux qu’il fréquente, malgré le plaisir qu’ils éprouvent à se baigner et la nécessité qu’il y a pour eux de rafraîchir leur peau constamment piquée par les moustiques et les fourmis.

L’Orénoque fut ensuite descendu par les voyageurs jusqu’au Temi, réuni par un portage de peu d’étendue au Cano-Pimichin, affluent du Rio-Negro.

Le Temi inonde souvent au loin les forêts de ses rives. Aussi les Indiens pratiquent-ils à travers les arbres des sentiers aquatiques d’un ou deux mètres de large. Rien n’est curieux, rien n’est imposant comme de naviguer au milieu de ces arbres gigantesques, sous ces dômes de feuillage. Là, à trois ou quatre cents lieues dans l’intérieur des terres, on rencontre des bandes de dauphins d’eau douce qui lancent ces jets d’eau et d’air comprimé auxquels ils doivent le nom de souffleurs.

Quatre jours furent nécessaires pour porter les canots du Temi au Cano-Pimichin, et il fallut s’ouvrir un chemin à coups de machète.

Le Pimichin tombe dans le Rio-Negro, qui est lui-même un affluent des Amazones.

Humboldt et Bonpland descendirent la rivière Noire jusqu’à San-Carlos, et remontèrent le Casiquiare, bras puissant de l’Orénoque, qui fait communiquer ce dernier avec le Rio-Negro. Les rives du Casiquiare sont habitées par les Ydapaminores, qui ne mangent que des fourmis séchées à la fumée.

Enfin, les voyageurs remontèrent l’Orénoque jusqu’auprès de ses sources, au pied du volcan de Duida, où les arrêta la férocité des Guaharibos et des Indiens Guaicas, habiles tireurs d’arc. C’est en cet endroit qu’on trouve la fameuse lagune de l’El Dorado, sur laquelle se mirent quelques petits îlots de talc.

Ainsi donc était définitivement résolu le problème de la jonction de l’Orénoque et du Marañon, jonction qui se fait à la frontière des possessions espagnoles et portugaises à deux degrés au-dessus de l’équateur.

Les deux voyageurs se laissèrent alors emporter à la force du courant de l’Orénoque, qui leur fit franchir plus de cinq cents lieues en moins de vingt-six jours, s’arrêtèrent pendant trois semaines à Angostura pour laisser passer les grandes chaleurs et l’époque des fièvres, puis regagnèrent Cumana, au mois d’octobre 1800.

« Ma santé, dit Humboldt, a résisté aux fatigues d’un voyage de plus de treize cents lieues, mais mon pauvre compagnon Bonpland a été pris, aussitôt son retour, d’une fièvre accompagnée de vomissements, dont il eut grand’peine