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seconde patrie.

Le 20 avril, dès l’aube, l’Élisabeth appareilla. Approvisionnée en vue de ce voyage, elle avait à bord le père, la mère et leurs trois fils.

On n’aurait pu souhaiter un vent plus favorable. Il soufflait du sud-est une jolie brise qui permettait de naviguer sous la terre. Dans l’après-midi, la pinasse contourna les roches de l’arche et lit son entrée dans la baie des Perles.

M. Zermatt vint jeter l’ancre près du banc d’huîtres, à l’embouchure de la rivière, où se voyaient les restes du dernier campement. Tous se préparaient à débarquer, lorsque ces mots s’échappèrent de la bouche d’Ernest :

« Un sauvage… un sauvage ! »

Et, en effet, vers l’ouest de la baie, entre les îlots boisés, manœuvrait un canot, qui semblait se défier de la pinasse.

Jamais, jusqu’alors, il n’y avait eu lieu de croire que la Nouvelle-Suisse fût habitée. Aussi, en prévision d’une attaque possible, l’Élisabeth se mit-elle sur la défensive, caronades chargées, fusils prêts à faire feu. Mais, dès que le sauvage se fut rapproché de quelques encablures :

« C’est Fritz ! » s’écria Jack.

C’était lui, seul dans son kaïak. N’ayant pas reconnu de loin la pinasse qu’il ne pouvait s’attendre à rencontrer dans ces parages, il s’avançait prudemment, ayant même eu la précaution de se noircir la figure et les mains.

Puis, lorsqu’il eut rejoint la famille, embrassé sa mère et ses frères, non sans leur avoir char-