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Page:Verne - Seconde Patrie, 1900.djvu/118

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seconde patrie.

sa chambre. Mme Zermatt et Jenny travaillaient aux ouvrages de couture, à moins que la jeune fille ne fût priée de chanter, car elle possédait une voix charmante. Elle apprit plusieurs de ces chansons helvétiques, de ces mélodies des montagnes, qui ne savent pas vieillir, et quel ravissement de les entendre de sa bouche ! À la musique succédait la lecture qu’Ernest puisai aux meilleurs ouvrages de la bibliothèque, et il semblait que l’heure du repos arrivait toujours trop vite.

Assurément, en ce milieu familial, M. Zermatt, sa femme, ses enfants, étaient aussi heureux qu’on peut l’être. Il est vrai, les craintes de l’avenir, les chances si improbables que le salut vînt du dehors, enfin le souvenir du pays, comment oublier tout cela ?… Et puis, le cœur de Jenny ne se serrait-il pas, lorsqu’elle songeait à son père ?… Du navire qui la ramenait, de la Dorcas, on n’avait plus de nouvelles, et n’était-il pas à supposer qu’il eût péri corps et biens dans quelque cyclone de la mer des Indes ?… Enfin peut-il jamais être complet le bonheur de ceux qui vivent dans l’isolement, sans relations avec leurs semblables, et, en somme, qu’étaient les habitants de la Nouvelle-Suisse, si ce n’est les naufragés du Landlord ?

On sait quel événement inespéré avait si profondément modifié cette situation.