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Page:Verne - Seconde Patrie - II (1900).djvu/114

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seconde patrie.

encore près du capitaine. Dans l’angle du promontoire le feu pétillait sous le fourneau, la chaudière commençait à ronfler, et une vapeur blanche s’en échappait.

Lorsque Fritz eut terminé son entretien avec Harry Gould, Jenny et lui descendirent sur la grève. Après avoir fait une cinquantaine de pas, ils se retournèrent du côté de cette haute falaise qui les enfermait comme un mur de prison.

Et alors Fritz de dire d’une voix émue :

« Chère femme, il faut que je laisse déborder mon cœur, car il est plein de tout ce qui s’est passé depuis que j’ai eu le bonheur de te recueillir sur la Roche-Fumante !… Je nous revois dans ce kaïak, à la baie des Perles… Puis c’est la rencontre de la pinasse, le retour de la famille à Felsenheim !… Deux années heureuses se sont écoulées avec toi, la joie, le charme de notre existence, dont rien ne troublait la tranquillité !… Nous étions si habitués à vivre dans ces conditions, qu’il semblait que le monde n’existait pas en dehors de notre île… Et s’il n’y avait pas eu le souvenir de ton père, ma bien-aimée Jenny, peut-être ne serions-nous pas partis à bord de la Licorne… peut-être n’aurions-nous jamais quitté la Nouvelle-Suisse…

– Où veux-tu en venir, mon cher Fritz ?… demanda Jenny, qui cherchait à contenir son émotion.

– À te dire combien mon cœur est oppressé