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Page:Verne - Seconde Patrie - II (1900).djvu/30

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sans dessus dessous.


« Je sais bien… un moment viendra où le dernier biscuit aura été mangé… mais tant qu’on a gardé un estomac, il ne faut pas trop se plaindre, n’eût-on rien à mettre dedans !… Ah ! si l’on n’avait plus d’estomac, eût-on de quoi le remplir, voilà qui serait véritablement grave ! »

Tandis que John Block était à la barre, les passagers avaient repris leur place entre les bancs. Ils ne prononçaient plus une parole. Les gémissements de l’enfant, les plaintes inconscientes du capitaine Gould troublaient seuls le silence.

Deux heures s’écoulèrent. L’embarcation ne s’était pas déplacée d’une encablure, ne ressentant d’autre mouvement que celui de la houle. Or, la houle ne se déplace pas ; elle ne fait qu’onduler la surface de la mer. Plusieurs petits morceaux de bois, jetés par-dessus le bord depuis la veille, flottaient toujours à proximité, et la voile ne s’était pas tendue une seule fois pour en écarter la chaloupe.

À naviguer dans ces conditions, il eût été bien inutile de demeurer au gouvernail, qui ne pouvait avoir aucun effet. Toutefois le bosseman n’avait pas voulu quitter son poste. La barre sous le bras, il essayait du moins de parer aux embardées qui menaçaient de rejeter l’embarcation sur tribord ou sur bâbord, et d’éviter à ses compagnons de trop violentes secousses.

Il était environ trois heures du matin, lorsque