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Page:Verne - Seconde Patrie - II (1900).djvu/36

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seconde patrie.

le bosseman, tandis que la chaloupe, légèrement inclinée sur tribord, piquait un peu du nez contre les premières lames.

Peu à peu, la déchirure des vapeurs s’agrandit en gagnant vers le zénith. Le fond du ciel prenait des teintes rougeâtres. On en devait induire que le vent se fixerait pour une certaine durée dans cette direction. De là aussi cette conclusion que la période des calmes avait cessé en cette région océanique.

L’espoir revint alors de rallier une terre plus ou moins rapprochée, ou de rencontrer un bâtiment qui, après avoir été encalminé pendant quelques jours, aurait pu reprendre sa route.

À cinq heures, la déchirure s’encadra d’un bourrelet de vapeurs d’une coloration très vive. C’était le jour qui se manifestait avec cette rapidité spéciale aux basses latitudes de la zone intertropicale. Bientôt des lueurs pourpres émergèrent de l’horizon, comme les lamelles d’un éventail. Le bord du disque solaire, surélevé par la réfraction, effleura la ligne périmétrique, nettement tracée à la limite du ciel et de la mer. Presque aussitôt ces jets lumineux accrochèrent les petits nuages qui pendaient au zénith, nuancés de toute la gamme du rouge. Obstinément arrêtés par les épaisses vapeurs accumulées vers le nord, ils ne parvinrent pas à les percer. Aussi le rayon de vue, très étendu en arrière, était-il toujours très limité en avant. Quant à la chaloupe, elle laissait une traînée de