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Page:Verne - Un billet de loterie - suivi de Frritt-Flacc, 1886.djvu/167

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le numéro 9672.

— Monsieur Vanderbilt, de New York, est allé jusqu’à trente mille !

— Messieurs Baring, de Londres, à quarante mille !

— Et messieurs Rothschild, de Paris, à soixante mille ! »

On sait ce qu’il fallait croire de ces exagérations du populaire. À continuer cette échelle ascendante, les prix offerts eussent fini par dépasser le montant du gros lot !

Mais, si les diseurs de nouvelles n’étaient pas d’accord sur le chiffre des propositions faites à Hulda Hansen, la foule s’entendait à merveille pour qualifier les agissements de l’usurier de Drammen.

« Quel damné coquin, ce Sandgoïst, qui n’a pas eu pitié de ces braves gens !

– Oh ! il est bien connu dans le Telemark, et il n’en est pas à son coup d’essai !

– On dit qu’il n’a pu trouver à revendre le billet de Ole Kamp, après l’avoir payé d’un bon prix !

– Non ! Personne n’en a voulu !

– Cela n’est pas étonnant ! Entre les mains de Hulda Hansen, ce billet était bon !

– Évidemment, tandis qu’entre les mains de Sandgoïst, il ne vaut plus rien !

– C’est bien fait ! Il lui restera pour compte, et puisse-t-il perdre les quinze mille marks qu’il lui a coûtés !

– Mais, si ce gueux allait gagner le gros lot ?…

– Lui !… Par exemple !

– Voilà qui serait une injustice du sort ! En tout cas, qu’il ne vienne pas au tirage !…

– Non, car on lui ferait un mauvais parti ! »

Tel est le résumé des opinions émises sur le compte de Sandgoïst. On sait d’ailleurs que, par prudence ou pour tout autre motif, il n’avait point l’intention d’assister au tirage, puisque, la veille, il était encore dans sa maison de Drammen.

Hulda, très émue, et Joël, qui sentait le bras de sa sœur frémir au sien, passaient vite, sans chercher à en entendre davantage, comme s’ils eussent craint d’être acclamés de tous ces amis ignorés qu’ils comptaient parmi cette foule.