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Page:Verne - Un drame en Livonie, illust Benett, 1905.djvu/198

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un drame en livonie.

déjeuner, il serra la main de ses amis et regagna son cabinet de travail.

Jean et Ilka, le docteur et le consul restèrent dans la salle. Pénible attente, s’il en fut, pénible silence aussi, que troublaient parfois le tumulte des rassemblements et les vociférations de la foule.

Le tumulte grossissait, d’ailleurs, avec le concours de gens de toutes les classes, qui envahissaient le faubourg, plus nombreux aux abords de la maison du professeur. Il faut l’avouer, la grande majorité de ce public était visiblement contre celui que l’opinion accusait d’être l’assassin du garçon de banque.

En réalité, peut-être eût-il été plus prudent de le soustraire à ce danger de tomber aux mains de la foule, en ordonnant son arrestation. S’il était innocent, son innocence n’eût pas été moins éclatante, parce qu’il aurait été enfermé dans la forteresse… Et qui sait si, en ce moment, le gouverneur et le colonel ne songeaient pas à prendre cette mesure dans l’intérêt même de Dimitri Nicolef ?…

Vers une heure et demie, un redoublement de cris annonça l’apparition du cortège à l’extrémité de la rue. La maison retentit de violentes clameurs. À l’extrême épouvante de son fils, de sa fille et de ses amis, le professeur, quittant son cabinet, descendit dans la salle.

« Qu’y a-t-il donc ?… demanda-t-il.

— Retire-toi, Dimitri, répondit vivement le docteur. C’est l’enterrement de cet infortuné Poch…

— Celui que j’ai assassiné !… dit froidement Nicolef.

— Retire-toi, je t’en prie…

— Mon père ! » firent Jean et Ilka, en le suppliant.

Dimitri Nicolef, dans un état moral indescriptible, ne voulant écouter personne, se dirigea vers l’une des fenêtres de la salle et chercha à l’ouvrir.