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Page:Vers et Prose, tome 12, décembre 1907, janvier-février 1908.djvu/101

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Et l’attente elle-même à ces profondeurs noires
N’ose plus rappeler la date des retours.

Quelquefois seulement un rire de sirène
Ramène lentement à la face des eaux
Les lambeaux repoussants de quelque épave humaine
Que le pulpe indolent abandonne aux oiseaux.

Et telle est la terreur qui règne en ces parages
Du désenchantement et de l’inimitié
Qu’au seul aspect des cieux, des eaux et des rivages
Le dégoût s’y soulève au cœur de la pitié.



Que cependant ta lyre aux sept cordes sacrées
Déroule l’arc-en-ciel de ses sons dans les airs ;
Déjà l’aube s’entr’ouvre aux mers énamourées
Et la vie affamée envahit les déserts.

Douce aiguade de joie et source de souffrance !
Ton amour n’est-il pas, aux cœurs rongés d’ennui,
Ce qu’à la solitude est la ressouvenance,
Au visage éploré la fraîcheur de la nuit ?

L’inconstante sagesse attend le jeune sage
Et la foi vieillissante appelle un dieu nouveau ;
Le vrai change de nom, de forme et de visage ;
L’éternité d’hier habite le tombeau.

Car la vie est semblable à l’amante infidèle
Qui d’un souffle enivrant ayant humé le vin
S’enfuit, et ne s’arrête en sa course cruelle
Que pour cueillir un lys au tournant du chemin.