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Page:Vers et Prose, tome 12, décembre 1907, janvier-février 1908.djvu/108

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BRUGES

 
La paix du soir descend sur la ville tranquille,
Sur les canaux le sang rouge du soleil coule,
Et un désir ardent, sans but, inexprimable,
Commence alors à parler des grises tours.

Profondes, merveilleuses, les vieilles cloches chantent
Les jours où leur cri de joie émouvait tout le pays,
Et où la magnificence et la vie étaient dans les rues claires
Et où le cœur du port brûlait joyeux comme un flambeau,

Les jours riches, splendides, depuis longtemps éteints,
Et telles choses qui depuis lors sont restées
Dans le lointain comme de doux rêves d’enfant.
Le dernier
ave se tait… Et son chant meurt lentement
Et frémit en accords doucement sanglotants.

Le vent du soir traîne encor doux les derniers sons,
Et triste l’écho erre dans les rues défuntes
Qui, toutes, sont silencieuses et craintives de douleur,
… Tel un enfant aveugle qui abandonne soudain la main du guide.

Un couple de cygnes effleure l’eau calme.
Le flot léger chuchote et doucement vibre, frémissant
D’une belle femme qui jadis était Reine
Et dont la tristesse solitaire a pris le deuil des nonnes…


ÎLE TRANQUILLE (Bretagne)

J’entends, par-dessus les campagnes,
Planer les cloches du pays
Et déjà je ne peux plus voir
Les contours des tours rondes.

La nuit, la mer, deux rubans bleus
Qu’ornemente l’or des étoiles,
Ont roulé dans leurs plis
Les bords de l’île.
Tout s’éloigne,
Tout se coule dans le silence.
Près de ma bouche,
Muets, les vents se penchent.