Aller au contenu

Page:Vers et Prose, tome 12, décembre 1907, janvier-février 1908.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

À LA BEAUTÉ


À Mme la Comtesse Marie Krasicka.


Toi qui n’ouvres les bras qu’au désir des rebelles
Et qui, malgré les ans, frémis d’avoir nourri
Du lait riche en ferment de tes sombres mamelles
Eschyle, Michel Ange et Dante Alighieri,

Au fils d’un siècle ingrat ne voile pas ta face
Ni du temple éternel ne lui défends l’accès ;
Il ne ressemble pas au quémandeur qui passe
Soupesant dans ses doigts l’obole du succès.

Quand ton chant fait se fondre en un même délire
L’ivresse de la vie et l’amour du tombeau
En moi je sens monter la tendresse qu’inspire
La solitude à l’aigle ou la nuit au corbeau.

Dans la coupe de grès qu’à mes lèvres tu portes
L’hysope à la ciguë a prêté sa saveur ;
Ton heure d’abandon a la beauté des mortes
Et de l’arrière-été la sauvage langueur.

Lorsque d’un cœur lassé des regrets périssables
Nul glas ne trouble plus le silence d’airain,