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Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/105

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les poitrines qui râlent, les chairs qui brûlent, le sang qui coule et qui fume ». « Le sang particulièrement, ajoute Calmettes, l’enivre de poésie[1]. » Il cite, pour le prouver, quelques vers du Vœu suprême. Il aurait pu citer aussi ceux où Snorr rappelle le supplice des Violents :


Voici ceux qui tuaient jadis, les Violents,
Les Féroces, blottis au creux de quelque gorge,
Qui, la nuit guettaient l’homme et se ruaient hurlants.

Maintenant, l’un s’endort ; l’autre en sursaut l’égorge.
Le misérable râle, et le sang, par jets prompts,
Sort, comme du tonneau le jus mousseux de l’orge.


Plus barbare que son modèle barbare, le poète français a donc mis dans les supplices infernaux une horreur que le poète islandais n’avait pas su y mettre. Mais plus encore qu’au désir d’ « exhalter le tableau », il a cédé au désir de renouveler contre le christianisme son éternelle accusation d’avoir voué aux horreurs de l’Enfer des hommes nés, sans que ce fût leur faute, avant la bonne nouvelle. À dessein, il réserve pour la fin de la vision le spectacle des supplices infligés aux païens. À dessein, il présente, comme la plus digne de châtiment, la faute de ceux qui n’ont pas eu la lumière que Dieu n’était pas venu encore apporter. À dessein, il les fait tourmenter effroyablement, transformant en un supplice d’une

  1. Calmettes, p. 212.