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Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/123

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Revoit-il, faisant trêve aux ardentes fatigues,
La lointaine oasis où rougissent les figues,
Et l’étroite vallée où campe sa tribu,
Et la source courante où ses lèvres ont bu,
Et les brebis bêlant, et les bœufs à leurs crèches,
Et les femmes causant près des citernes fraîches,
Ou sur le sable, en rond, les chameliers assis,
Aux lueurs de la lune écoutant les récits ?


Le poème des Éléphants, souvent recueilli dans les anthologies (Cahen, des Granges), est le modèle achevé d’une peinture fondue dans l’action[1].

Le spectateur est dans un désert, immense, accablant, solitaire.

De loin, il voit apparaître les animaux. Il distingue leur masse brune, la direction de leur marche, la poussière qui s’avance avec eux, les dunes qui croulent sous leurs pieds. Il ne peint dans les corps que les parties qui agissent, mais en même temps il peint le décor qu’ils créent ou modifient :


D’un point de l’horizon, comme des masses brunes,
Ils viennent, soulevant la poussière, et l’on voit,
Pour ne point dévier du chemin le plus droit,
Sous leur pied large et sûr crouler au loin les dunes.


Voilà la troupe devant le peintre. Il dit la tête qui résiste à la fatigue et l’échine qui se voûte pour l’effort. En même temps il peint le décor que crée la marche :

  1. Voir dans Modern Languages, décembre 1929, une très remarquable analyse d’une strophe du poème par M. Boillot.