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Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/189

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Dans la Mort de Sigurd, l’Épée d’Angantyr, le Cœur de Hialmar, la Légende des Nornes, Néférou-Ra, Nurmahal, dans bien d’autres pièces encore, il saluait des poèmes « dignes du siècle de l’histoire », des évocations « qui enchantent l’imagination et satisfont le sens critique ». Il en proclamait donc hautement la valeur historique et par cette valeur en reconnaissait le caractère moderne.

Il analysait longuement Qaïn. Il admirait l’auteur d’avoir si bien exprimé « la protestation du corps contre la douleur, du cœur contre l’injustice et de la raison contre l’inintelligible », qui devient « plus ardente à mesure que l’industrie humaine combat la souffrance, que l’idée de justice passe dans les institutions et que la science entame les frontières de l’inconnu. » Il l’admirait aussi d’avoir eu assez de sens critique pour reconstruire l’immense tragédie humaine. « Je trouve tout cela dans Qaïn et c’est par là qu’il est si complètement moderne… On songe au Ve livre de Lucrèce ; puis, on se dit qu’il y a là autre chose encore qu’une intuition de poète, que la science contemporaine, l’archéologie, l’anthropologie ont seules rendu possibles de pareilles résurrections, et que, de toutes façons, un tel poème sonne glorieusement l’heure où nous sommes. »

Si intelligent qu’il fût, ce plaidoyer pour une œuvre encore mal comprise n’était pas complet. Lemaître ne niait pas la sensibilité du poète. « Peu de choses, disait-il, m’émeuvent autant que les derniers vers, si simples, du Manchy et la fin de la Fontaine aux lianes ». Pourtant, il n’apercevait pas assez avec combien de