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Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/192

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du poète, fut celle que P. Lallemand publia dans le Correspondant avant la réception académique[1].

Après Lemaître, P. Lallemand reconnaît que Leconte de Lisle est bien un moderne, qu’ « il se penche sur notre époque pour en surprendre, en traduire la maladie ; ce nihilisme moral, énervant, que hante le désir de l’immortalité, l’apaisement dans la mort ou, plutôt, dans le néant. » Après Lemaître, il reconnaît aussi que « par les lèvres de Qaïn, c’est l’homme moderne qui parle ; l’homme qui, à la fin du XIXe siècle, sans croyance et sans foi, blessé par les choses, désenchanté de ses ambitions, saturé d’amertume, ne comptant guère sur l’utilité de l’action ou de la pensée, se retourne contre Dieu, l’auteur du monde et de la vie, pour le maudire ».

Avec plus de décision que Lemaître, il se refuse à voir « un impassible au cœur marmoréen » dans ce poète qui sait « pâtir, s’indigner, se révolter jusqu’au blasphème, jusqu’aux plus âpres malédictions ».

Cependant il ne retrouve pas dans les paysages les passions dont lui paraissent animés les tableaux d’histoire : « De quelques couleurs qu’il charge sa palette pour reproduire ces pages, il ne les contemple que dans un détachement absolu de toute émotion… Il ignore l’art d’animer par le sentiment les objets matériels et les tableaux que lui offre la nature. Il décrit ce qu’il voit avec vérité, mais comme un simple enchantement de l’œil ; il se repaît des couleurs, des

  1. Correspondant, 1887, tome X de la nouvelle série.