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Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/195

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encore, parce qu’ils préparaient le monde meilleur dont nous jouissons aujourd’hui[1]. »

Ce n’est pas seulement l’histoire du Moyen Âge, qui chez Leconte de Lisle semble à Anatole France fort contestable, c’est toute son histoire. Et la raison en est que l’auteur des Poèmes Barbares ne sort pas de soi-même. « Ce poète impersonnel, qui s’est appliqué avec un héroïque entêtement à rester absent de son œuvre, comme Dieu de la création, qui n’a jamais soufflé mot de lui-même et de ce qui l’entoure, qui a voulu taire son âme, et qui, cachant son propre secret, rêva d’exprimer celui du monde, qui a fait parler les dieux, les vierges, les héros de tous les âges et de tous les temps en s’efforçant de les maintenir dans leur passé profond… ce poète finalement ne peint que lui, ne montre que sa propre pensée, et, seul présent dans son œuvre, ne révèle sous toutes ces formes qu’une seule chose : l’âme de Leconte de Lisle. »

Mais c’est assez, conclut France, les plus grands n’ont pas fait davantage ; ils n’ont parlé que d’eux.

France mettait donc Leconte de Lisle parmi les plus grands, ou bien près d’eux ; non pas parce qu’il avait introduit la science dans la poésie, mais parce qu’il n’y avait introduit que Leconte de Lisle.

Peu après la mort du poète (juillet 1894), Gaston

  1. La défense du Moyen Âge et du Christianisme fut reprise avec émotion, le jour de la réception, par le directeur de l’Académie, A. Dumas fils. Elle fut reprise énergiquement plus tard par V. Delaporte, Études et causeries littéraires, 1899.