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Page:Vianey - Les Poèmes barbares de Leconte de Lisle, 1933.djvu/39

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Le voici battant ses flancs que la faim creuse et aspirant dans l’air tiède une proie incertaine ; alors, pendant que la mère et les enfants se couchent sur la ronce, le roi de la nuit pousse un rugissement,


Qui, d’échos en échos, mélancoliquement,
Comme un grave tonnerre, à l’horizon s’enfonce.


À son tour, en 1866, le tueur de chevaux et de bœufs, par le Parnasse, fit une nouvelle apparition chez Leconte de Lisle : le Rêve du Jaguar ajouta un épisode de plus au cycle des grands affamés.

L’épisode est de tous le plus sinistre. C’est qu’à cette date le poète a pris conscience du génie qui semble le destiner à peindre la barbarie. Il a intitulé un recueil : Poésies Barbares. Il veut que les poèmes qu’il publie dans le Parnasse aillent grossir un jour le recueil qui porte ce titre significatif. Aussi entend-il qu’ils méritent d’y figurer. Et certes ils le méritent. : car le poète s’est fait comme un jeu d’y porter au comble les barbaries. Le Rêve du Jaguar est contemporain du Cœur de Hialmar, où un héros confie au Corbeau un testament qui sera bien sauvage s’il est exécuté. Il est contemporain des Larmes de l’Ours, où l’on voit pleurer d’attendrissement l’animal que l’on croyait le moins capable de verser de telles larmes.

Leconte de Lisle, qui ne nous avait fait assister jusqu’ici ni au repas du fauve, ni au meurtre de la victime, nous offre cette fois le spectacle sanglant des ongles ruisselants du jaguar plantés dans la chair