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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/130

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HIALMAR.


J’ai seize blessures et mon armure est rompue. Tout devient noir devant moi ; je chancelle en marchant. L’épée d’Angantyr m’a atteint au cœur, cette épée sanglante, pleine de venin.

Quand j’aurais cinq maisons dans les champs, je n’en habiterais jamais une. Il faut que je reste à Samsœ sans espoir et blessé mortellement.

À Upsal, dans la demeure de Josur, bien des jarls boivent joyeusement la bière, bien des jarls échangent de vives paroles ; moi, je suis dans cette île frappé par la pointe du glaive.

La blanche fille de Hilmer m’a suivi à Aguafik, au delà des écueils ; ses paroles se vérifient, elle me disait que je ne retournerais jamais près d’elle.

Tire de mon doigt cet anneau d’or rouge, porte-le à ma jeune lngeborg, il lui rappellera qu’elle ne doit jamais me revoir.

À l’est s’élève le corbeau de la bruyère ; après le corbeau arrive l’aigle plus grand encore. Je serai la pâture de l’aigle qui viendra boire le sang de mon cœur.


Leconte de Lisle fait mourir Hialmar plus tristement.

Il est nuit, il vente, la neige couvre le sol. Mille braves sont là qui dorment, l’épée au poing. Pas un ne bouge. Quand Hialmar se soulève, appuyé au tronçon de sa lame, c’est en vain qu’il interpelle les joyeux et robustes garçons qui, ce matin, chantaient avec lui comme des merles : tous sont muets. Aucun humain ne peut recevoir ses adieux. Il les confiera donc, — et ce sera bien digne d’un héros du Nord. — au corbeau de la bruyère. Hialmar appelle ce rôdeur, et le prie de porter à sa fiancée un dernier souvenir. Son anneau d’or ? Non, certes ; car, depuis qu’il a appris à parler français, Hialmar a des inventions beaucoup plus islandaises :