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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/136

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la quenouille pour les femmes ; c’est, de sa part, une simple épreuve ; car, lorsque sa fille se révolte contre l’injure et souhaite à ce père, qui ne veut pas être vengé, d’être déterré par les loups, le vieux brave, à ce mâle langage, reconnaît avec orgueil la fille des héros. Alors, le don Diègue scandinave, tout joyeux, donne son épée à ce Rodrigue féminin, en disant comme l’autre : va, cours, vole, venge-nous.

Angantyr ajoute : et meurs en brave. Leconte de Lisle a trop bien le sens de la composition pour prolonger le dialogue après ce mot héroïque.

Il s’est beaucoup écarté de son modèle. Mais son poème n’en est devenu que plus significatif. Ce n’est plus seulement l’histoire de la fille d’Angantyr qu’il nous donne, c’est l’histoire de cent autres héroïnes scandinaves. Car ce qui reparaît à chaque instant dans les traditions du Nord, « c’est un esprit de vengeance farouche, impitoyable Une jeune fille vient poignarder […] l’amant qui l’a trompée ; une reine empoisonne la femme qui la rend jalouse ; deux sœurs empruntent des vêtements de chevalier, […] et s’en vont venger la mort de leur père. Elles tuent l’homme qui l’a tué et le coupent en morceaux[1]. »

En expliquant la démarche de Hervor par l’esprit de vengeance, Leconte de Lisle, s’il a peut-être porté une atteinte légère à une légende particulière, a donc fait de son personnage un type très réussi d’héroïne scandinave.

Il était d’autant plus fondé à transformer l’histoire d’Angantyr dans le sens où il l’a fait, qu’un poème analogue


  1. Chants populaires du Nord, introduction, p. XLII.