Aller au contenu

Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

atroces et des infortunes lamentables ; plus d’humanité chez le maître d’Herborga, plus de pitié chez les compagnes de Gudrun, qui ne content plus leurs malheurs, comme elles font dans le poème de l’Edda, pour adoucir son chagrin : n’est-ce pas là un excès de barbarie ? En revanche, on ne peut nier, non seulement qu’il y ait dans beaucoup de vers une couleur intense, mais que chacune des existences racontées ait permis au poète de nous présenter une des faces de la vie des jarls scandinaves : dans les plaintes d’Herborga il a su résumer leurs guerres ; dans celles d’Ullranda leurs courses sur mer, dans celles de Gudruna et de Brunild leurs rivalités de famille, les jalousies et les atroces vengeances de leurs femmes. Et s’il a fait de toutes ses héroïnes des reines, des reines appartenant à des nations différentes, c’est parce que rien n’est fréquent, dans cette primitive histoire des Scandinaves, comme les expéditions de tribus contre tribus, se terminant par la conquête de la fille ou de la femme du chef vaincu. Encore qu’il ait eu tort d’éteindre toute pitié dans le cœur de ses personnages, il a donc réussi à condenser toute une époque dans ce court poème.


LA LÉGENDE DES NORNES[1]


Le chant mythologique le plus important de l’ancienne Edda est celui qui est intitulé la Voluspa, c’est-à-dire la prédiction de la devineresse. Devant les dieux réunis une


  1. Poèmes barbares, VIII.