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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/187

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qui ne craignaient point que l’âpre vent d’hiver meurtrît leurs intrépides faces ? Honte à leurs enfants ! La hache du combat pèse à leurs mains débiles ; le sang est tari dans leurs veines ; guerriers énervés, ils ne savent que chasser par les monts


Les grands élans rameux, source de l’abondance.


Qu’ils mangent donc et qu’ils boivent, race sans gloire, enfants dégénérés des forts !

Mais ces reproches laissent les chasseurs insensibles : la paix est sur terre, le repos est nécessaire aux braves. Et joyeusement ils content leur vie : le gai départ du matin, la poursuite des cerfs sur les mousses rudes, le retour pacifique du soir, l’accueil des filles aux yeux clairs, qui accourent au devant d’eux, promptes comme le renne, le pétillement du feu sous les broches de frêne, l’écume de l’hydromel débordant des cruches d’or. Admirable couplet, plein de couleur et plein de sens ; car maintenant nous comprenons bien que si la religion de Wäinämöinen va disparaître, c’est que déjà ont disparu les mœurs qui l’avaient suscitée : mythologie conçue par une race aventurière et belliqueuse, pouvait-elle garder longtemps son empire sur une population devenue indifférente aux aventures et aux guerres ? Et nous sentons aussi que, tout en représentant pour Leconte de Lisle l’esprit de la population finnoise au moment où elle laissait tomber le culte du Runoïa, les chasseurs représentent encore pour lui ceux qui, par tout pays, indifférents à la querelle des dieux, ne croient à rien, sauf à la bonté de la vie présente, et n’ont d’autre culte que de vivre joyeusement.