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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/189

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étaient seules rouges et brûlantes. Un enfant d’une merveilleuse beauté reposait dans ses bras, et chassait avec une branche de palmier les rayons qui voilaient le visage de la vierge.

Le vieux roi dit : « Enfant, quel est ton nom et d’où viens-tu ? »

La vierge dit : « Le roi de l’Orient est venu ici. »

Alors le roi des salles du Nord dit : « Tu es bien petit pour être roi. Veux-tu t’asseoir auprès de moi et lire mes runas ? »

Le roi de l’Orient dit : « Je veux m’asseoir auprès de toi. » Et il regarda la tablette remplie de runas ; car la vierge l’avait assis sur les genoux du vieillard. « Elles sont belles, tes runas ; mais il en manque encore une ; je n’en vois point au milieu. Veux-tu que je la grave, roi ? »

Le roi y consentit.


Dans la saga finnoise, l’entrevue des deux rivaux, on le voit, n’a rien encore de tragique. Le vieillard accueille avec égard son successeur ; il le fait asseoir sur ses genoux et, comme pour abdiquer entre ses mains, il lui laisse écrire la dernière runa. La légende n’est donc point hostile au christianisme, encore que Nicander en ait mis le récit dans la bouche du personnage qui défend le paganisme.

Chez Leconte de Lisle, la rencontre des deux dieux se fait avec moins de douceur. À peine l’enfant a-t-il franchi le seuil de la salle, que le vieillard, empruntant la malédiction qui est dans la trente-deuxième runa du Kalewala, demande qu’on l’écrase sous les pieux et qu’on jette sa tête dans les marais[1].

Mais l’enfant, d’une voix forte et douce, explique son origine. Dernier né des familles divines, il est le fruit de


  1. Voir plus haut, p. 167.