Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/223

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ment au cœur du vieillard, profite de cette ouverture et répond : « Je ne l’ai point entendue, ô fils de roi. Mais j’aimerais à t’entendre me chanter, illustre Ossian, sans aucune fiction, cette belle chasse. »

Ossian s’offense du mot fiction : « Les Bardes n’ont jamais menti. » Il riposte par des représailles contre les clercs.

À son tour, Patrice, qui oublie un peu son indulgence ordinaire, menace les Finn de l’enfer.

La discussion s’aigrit ; le barde va se fâcher tout de bon : « Si ton Dieu à toi était en enfer, mes héros l’en retireraient ! »

À cette réponse magnagnime le Saint ne peut s’empêcher de sourire : mais, craignant de manquer le but qu’il veut atteindre, il prend le parti de céder pour mieux vaincre. Il se rend donc, et le barde se met à chanter le beau poème qu’il lui a promis.

Mais à la dernière strophe, c’est Ossian lui-même qui est vaincu, car il a été admiré, et l’Église d’Irlande va compter un chrétien de plus[1].


C’est, on le voit, la même histoire que chez Leconte de Lisle, et le même décor. Ce que le poète français a changé, c’est le nom du barde, c’est le nom du palais en ruines et c’est le dénouement.

Il a changé le nom du héros, parce qu’il lui semblait trop peu vraisemblable que Patrice eût rencontré Ossian. Il a transporté la scène à Temrah, parce que Temrah fut le principal théâtre des luttes de Patrice contre les druides.


  1. Une histoire fort semblable à celle-ci est racontée par E. Schuré, Les Grandes légendes de France, 3e éd., Paris, Perrin, 1903, p. 234. Le héros en est, non Ossian, mais le druide Dubtak, père de Brigitte. Je ne sais où a été puisée cette légende. Jocelin, loin de la connaître, prête à Dubtak une tout autre attitude. Voir Acta Sanct., 2e vol. de mars, p. 550.