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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/230

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Il existe dans le Morbihan une autre version de la même légende[1].

Six mois après avoir épousé Triphyne, raconte cette version, Conamor (c’est ainsi que Comorre s’appelle dans le Morbihan) reçut en son château de Léon la visite du comte de Nantes, accompagné d’une brillante cour. Dans cette suite était la belle Oltrogothe, fille du marquis d’Assérac. Elle se fit aimer de Conamor, qui dès lors maltraita sa femme.

Triphyne pleurait un jour dans la forêt quand un renard l’aborda, lui conseilla de se fier à saint Gildas et lui remit comme talisman trois poils arrachés de sa poitrine. Un instant plus tard, un rouge-gorge lui parla à son tour, lui conseilla de se fier au même saint et lui donna trois de ses plumes. En continuant sa route, elle arriva près d’un étang : un petit poisson rouge lui prêcha aussi la confiance à saint Gildas et lui donna trois de ses écailles.

Elle mit dans son aumonière les trois écailles, les trois plumes et les trois poils, puis rentra au château. On dansait. Le comte courtisait Oltrogothe. Dans sa douleur Triphyne invoqua saint Gildas : aussitôt l’aumonière s’ouvrit, les trois écailles en sortirent et tombèrent sur Oltrogothe, qui fut instantanément changée en esturgeon ; les cuisiniers, apercevant ce gros poisson, le mirent dans la poêle à frire.

Conamor, irrité, s’écria : — Gardes, qu’on arrête cette


  1. Voir d’A… (Armezeuil), Légendes bretonnes, souvenirs du Morbihan, Paris, Dentu, 1863.