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Page:Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, 1907.djvu/251

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Alors, Mouça se croit encore au milieu d’eux. Il dresse toute sa taille, et, du haut de cet âne sur lequel il est ignominieusement lié, il crie à la foule, comme s’il s’adressait à ses compagnons d’armes, de balayer les chiens, blasphémateurs du Prophète, de se ruer sur le pays d’Afrank : à eux les fruits dorés qui font ployer les branches, à eux la beauté de la vierge et le grain du sillon, à eux plus tard le Paradis divin ! À ces cris héroïques, la foule répond par des huées.


Mais le soir est arrivé. Les flammes du soleil couchant inondent les rochers et, pendant qu’un sombre Éthiopien dégaine le sabre grêle, c’est la foule à son tour qui a une hallucination.

Leconte de Lisle s’est rappelé ici la page la plus fameuse de la vie de Mahomet : son voyage nocturne.

Un an avant l’hégire, le Prophète était couché, quand son conseiller habituel, Gabriel, l’éveilla. L’ange lui amenait Al-Borak, c’est-à-dire l’Etincelante, cavale ailée et merveilleusement rapide. Al-Borak emporta Mahomet à Jérusalem, puis de là aux sept cieux successivement. Il vit Adam, Enoch, Joseph, Aaron, Moyse, Abraham. Il pénétra dans le jardin céleste où sont les quatre fleuves délicieux et fut reçu dans le temple de l’Eternel : là on lui présenta trois coupes, remplies, l’une de vin, l’autre de lait, la troisième de miel. Il choisit celle qui était remplie de lait et fut félicité de son choix par Gabriel[1]. Dieu lui dit combien


  1. Je donne ces détails pour montrer où Leconte de Lisle a pris (en les arrangeant) une partie de sa description du Paradis. La vision du Prophète est racontée dans toutes les Vies de Mahomet.